Je ne vous parle que très rarement de cet homme-là, mon père. Ce grand grand absent de ma vie ! Et pourtant j’ai tant de traits communs avec lui. Tellement d’affinités. J’ai pris conscience qu’il était malade; sa maladie porte un nom, l’alcoolisme. A ce jour, j’ignore toujours quand et comment il a commencé à boire. Ce sont des choses qui arrivent mais dont on ne parle pas. Je sais aussi que son père à lui buvait également. Que son enfance ne fut pas des plus heureuse. Et je me demande si c’est à ce moment là précisément, à la perte de sa sœur, dont la mienne porte son prénom, que tout ce mal s’est déclaré ? Je ne sais pas. Je me souviens de ces absences, de ces mots crus, de ces gestes violents, menaçants. Il était là sans être là, présent physiquement mais si loin. Incapable de la moindre attention à notre égard, de s’occuper de nous. De nous nourrir. Il n’y a pas à juger, juste comprendre, accepter et vivre avec. En fait, je l’aimais comme il était. Quelques fois il m’arrive de songer à lui. Quand les hommes qui passent dans ma vie s’en vont. Que me dirait-il ? Au fond, il est le seul homme que j’aime, en tant que petite fille, le seul à qui je pourrais confier ma folie. la nôtre. Notre folie commune. Le sait-il seulement ? Papa, comment puis-je devenir femme sans toi ? Oh ! j’aurais tant aimé me construire à tes cotés. J’avais tant besoin de ton regard ! C’est à travers celui-ci que j’aurais pu trouver l’estime de moi. Te remercier de ta présence. Face à cet immense vide il ne peut y avoir de mensonge. C’est ainsi ! Notre infime relation éphémère et inconstante n’est faite que d’aller-retour. Sans aucune destination. C’est bien la solitude d’une vie. De ma vie. L’absence d’un parent tue indéniablement un enfant. Il me faudra toujours du temps et du silence autour de moi pour t’entendre. Te rejoindre. Te parler.
Je sais cette douleur.
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