Enfant, je ne me souciais pas de cela, cela n’avait jamais été un problème, je n’imaginais pas à quel point cela pouvait exercer une influence si grande, c’est seulement à présent, que je me fais cette réflexion. J’aurais adoré avoir une grand-mère artiste, musicienne. On m’a toujours raconté que j’étais issue d’une lignée de femmes qui avaient mené des vies bien loin de toute tranquillité, voire originales pour leur époque, pas tracées, ni droites, mais faisant parti de ces existences parsemées d’embuches, et d’immenses souffrances. Mes aïeules se sont retrouvées dans une grande solitude mais elles ont toujours su faire preuve de courage, affronter ces épreuves avec un certain panache, et n’ont jamais baissé les bras face à la vie. Je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu ma grand-mère se plaindre une seule fois, idem pour ma mère. In fine, ce sont elles qui m‘ont donné cette force extraordinaire, cet aplomb sans faille, qui me caractérise aux yeux de certains. Je n’en suis pas plus fière qu’autre chose. Elles ne demandaient rien à personne et savaient se débrouiller avec le peu de moyens dont elles disposaient. Dieu seul sait que les moyens du bord ne frisaient pas l’opulence. Et puis il y avait le dimanche. Il me semble plus pertinent de vous parler de ce jour détaché des autres. Ce jour-là, ma grand-mère succombait au péché de gourmandise, et elle demandait que l’on aille acheter des gâteaux et de la blanquette de Limoux. C’était uniquement à ces occasions que je pouvais voir sur son visage rustre s’installer un sourire. Ö il était léger à peine visible mais moi je m’en contentais. Et puis je voyais ses yeux briller, remplis de joie ; et puis il y a cette espèce de liesce voile de tendresse qui nous enveloppait toutes les deux. D’un coup, elle était devenue comme joyeuse. Je me dis que si certaines personnes finissent par devenir insensibles, rigides, c’est que la souffrance était , elle, insupportable.
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Isabelle franc rttr