L’angoisse blanche

L’angoisse blanche. Sa folie « durassienne » à elle ; devrais-je la nommer ainsi. C’est celle de la mère, un effroi, abyssal, celle à laquelle je n’ai jamais eu accès, je ne suis jamais parvenue à la saisir, alors, c’est la raison pour laquelle je dois écrire, pour l’atteindre ce qui permettrait de l’appréhender. Il faut savoir la dénicher dans chaque geste, chaque parole, chaque attention, intention et regard. Elle est aussi dans les goûts. Elle est ainsi appelée car indicible, non conscientisée mais active. C’est un fantôme terrifiant qui diffuse une tension d’une extrême intensité. En ce moment je pense beaucoup à cette femme qu’elle n’est plus, à cette jeune fille qu’elle fût, jadis, extravagante, flamboyante, débordante, qui n’a pas su s’imaginer, ni se projeter une vie à la hauteur de ses ambitions. C’est un périlleux et délicat chemin sur lequel je tente de m’engager. Ma mère est une femme rigide, avec un regard froid, inquisiteur, qui n’a jamais su appeler ses enfants autrement que par leur prénom. Un jour, elle ne sera plus là. Elle ne fera plus partie du monde des vivants  et c’est maintenant que je me rends compte que je ne lui ai jamais posé de question sur les faits marquants de sa vie, sur l’idée qu’elle a d’elle-même…tout cela est pour moi sans forme aucune ; à ce titre, l’oubli a toujours fait partie d’elle, je ne sais plus répète-t-elle, tristement, mais je ne sais plus…tout cela parce qu’il y a une cloison qui nous sépare. Nous vivons elle et moi dans deux mondes différents qui, en principe, ne se côtoient pas.  Tout ce qui touche de près ou de loin à moi lui restera indifférent ; c’est  cela qui fait que je serais son étrangère. Je n’ai jamais eu des sensations identiques aux siennes. Pour elle, il y a ce que l’on peut dire aux adultes et ce que l’on cache aux enfants, bien souvent c’est la même chose. Mon instinct primaire me pousserait à m’éloigner le plus possible d’elle, mettre la distance absolument nécessaire afin de préserver l’image que j’ai d’elle. J’avais oublié cette image d’elle, vieux cliché qu’elle a gardé dans une boite en carton durant toutes ces années. Conserver dans mes souvenirs cette photographie en noir et blanc d’une jeune femme, dans les années cinquante, en short débardeur traversant la rivière de l’Aude, les chaussures portées à la main. Je la trouve si jolie avec sa taille fine marquée, elle a la tête légèrement penchée, le vissage légèrement de profil, dans cette pause on remarque mieux ses cheveux corbeaux. Belle, je la trouve belle. Bien entendu, à cet âge, il y a la beauté qui parle pour soi. C’est vrai que je ne l’ai pas toujours aimé ma mère, je l’ai parfois détesté, haï, mais là je l’aime.

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isabelle franc rttr

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