Tout au long de mon enfance, il n’y avait pas de discussions, ni d’échanges possibles. Lorsqu’un adulte était là, on se pliait à ses choix. Personne ne venait nous demander notre avis. Personne ne nous interrogeait, nous. En tant qu’enfant, les adultes estimaient, clairement, que nous n’avions pas notre mot à dire. Ils nous le faisaient savoir. Je sais bien qu’ils ne nous voulaient aucun mal, ils pensaient bien faire, ou avoir raison, peut-être. Ainsi, enfant déjà, je n’ai connu que les longs silences, autant ceux de la soumission que de l’obéissance, on ne laissait échapper aucun soupir. Ainsi, chez nous, on parlait ce langage-là…Rien n’était censé nous arriver, rien de grave, rien de mal. J’avais compris qu’il n’était toléré aucune incartade. Le monde dans lequel j’ai grandi était réduit à ce mutisme éloquent. Je me refugiais dans la chambre que je partageais, je lisais, j’allais donc chercher les mots que la parole ne me donnaient pas dans les livres. Là, j’ai trouvé la langue des bas-fonds, des entrailles, de l’humanité vacillante et fragile. Et c’est là que je me replie toujours lorsque je me sens en danger, quand je suis terrassée. Mon oreille d’enfant a commencé à distinguer clairement les nuances de chaque silence opposé. Chacun énonçait un sentiment, une fin de non recevoir, une colère. Il n’était pas nécessaire d’ajouter des mots. Tant de réserve et de pudeur ont déferlé sur mes jeux d’enfant. Je suis cet oiseau rare, tombé au hasard dans un nid, en quête de rapatriement. J’abandonne l’idée même d’inventer la possibilité d’un jour nouveau.
Alma isabelle franc rttr
Et prenez soin de vous…Texte protégé
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